Posté le 14 mars 2025 - par attelagesbovinsdaujourdhui
La fin de Peelish et de Peeshoo 2025
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La fin de Peelish et de Peeshoo
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Peelish (à droite) et Peesho sur la route du chantier débardage en mars 2015 -Forêt de Lyons
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Peelish et Peeshoo au débardage en mars 2015 – Forêt de Lyons
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Ils sont partis en 2025 tous les deux, mes deux Normands à un mois d’intervalle, Peeshooo le premier le 7 décembre et Peelish le 5 février.
Ils ont été euthanasiés tous les deux à la maison dans leur dernier environnement en Auvergne où je les avais déménagés de Normandie en mai 2016 avec leurs copains d’étable Bretons Pie Noire, Naha et Naki .
Ces deux derniers sont maintenant les seuls et sûrement les derniers occupants de l’étable au moins sous ma houlette.
La température n’y est plus la même, elle est plus froide en cette période d’hiver sans les deux radiateurs Normands même après avoir fait une chasse à toutes les ouvertures même les plus petites pour assurer aux Bretons la meilleure température nécéssitée par leurs dix neuf ans, les Normands en avaient dix huit.
Ils sont un peu perdus sans ces deux monstres de plus d’une tonne à leur côté que je croyais immortels ou au moins au départ desquels je n’avais jamais pensé ni imaginé un après tant je ne voyais pas pourquoi le faire.
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Maintenant j’appréhende le moindre problème qui pourrait toucher Naha ou Naki et qui m’obligerait à arrêter la vie de l’un d’eux. Comment survivrait alors le dernier ou comment supporterait-il le fait de rester seul en attendant sa fin? Alors je continue à les papouiller et les surveille comme le lait sur le feu.
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Et puis il y a les chaînes pendantes.
Je les avais déjà évoquées dans un article publié dans Sabots il y a une quinzaine d’année. Ces chaînes d’attache à la crèche qu’ils ne portent plus mais que je laisse en place.
Ces deux là ne serviront plus, elles vont rouiller et ne poliront plus la planche de la crèche puisque sans mouvements du cou auquel elles étaient reliées.
Je suis dans la même situation que ces deux éleveurs connaissaient , l’un dans le canton de Vauds en Suisse et l’autre dans le Cantal, lorsqu’ils devaient se séparer d’une de leur vache. Pendant plusieurs jours ils ne pipaient mot et moi je prends la plume.
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Ce n’est pas uniquement la mort de deux bœufs Normands que j’évoque, c’est aussi tous les changements que leur départ génère, les nouvelles habitudes à prendre puisqu’ils ne sont plus là, celles auxquelles je renonce puisque devenues inutiles, le rangement de leur matériel de travail et toute une organisation qu’ils nécessitaient et qui m’attachait à eux.
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Et puis il y a moi avec mes soixante treize ans dont les dix huit derniers passés en leur seule compagnie et tous les souvenirs accumulés avec eux d’éducation, d’apprentissage, de débardage en forêt de Lyons en Normandie, les soucis de matériel ou de santé de l’un ou de l’autre.
Il ne me reste plus maintenant que les petits trucs que je ramasse comme le dernier morceau de pierre à sel de Peelish retrouvé en nettoyant la crèche, une touffe de poils et tous ces changements d’organisation.
Je vivais comme eux dans le moment présent goûtant le bonheur de travailler avec eux, de les entretenir en hiver et de les remettre à l’herbe au printemps.
Je n’ai jamais pensé à de tels moments de décision à prendre auparavent.
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Alors à quoi toutes ces années ensemble ont-elles servies ?
Bien évidemment à les protéger de la fin la plus violente qui soit et à les faire vivre dix huit ans de pâtures au milieu de leur troupeau de quatre, à leur apprendre le travail et à partager tous les trois et cinq en incluant les deux Bretons.
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Peelish en haut à droite au dessus de Naha, Peesho devant lui au dessus de Naki lors d’une sieste en groupe
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Et puis il ya tout ce qu’ils m’ont laissé de souvenirs du jour où j’ai été les chercher, de leur première
liberté dans le carré de pâture derrière la maison, les échappées de Peeshoo, son saut par dessus la brouette fourragère qui en est restée marquée, un bout de pierre à sel, les câlins de Peelish, et bien d’autres sur lesquels je ne peux que tomber au fur et à mesure que le temps passe et que ma mémoire me les rappelle.
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J’ai veillé Peeshoo pendant sa dernière nuit, j’ai été lui cherché du floconné à l’écurie pour qu’il mange mais il ne voulait plus et je n’ai pas pu ou su le convaincre qu’il avait encore des années devant lui.
Alors j’ai pris la décision finale pour qu’il parte au plus vite sans avoir à subir des tentatives de relevage successives qu’il ne comprenait plus. J’espère avoir pris cette décision assez rapidement pour qu’il soit libéré sans avoit trop à subir des efforts physiques et certainement mentaux qui lui auraient été imposés.
Je me souviens avoir crié, si ce n’est hurlé, son nom deux fois quand le camion a démarré après avoir chargé son corps. Je préfère croire qu’il m’a entendu.
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Pour Peelish je n’ai pas hésité. Il est parti avec quelques douleurs mais avant que son état ne se détériore au point de ne plus pouvoir se relever.
Je l’ai emmené dans une pâture en bordure de route au licol, il a pu mangé un peu d’herbe pendant le trajet et puis il s’est couché doucement après une première injection et avant la seconde surdosée qui a arrêté son cœur.
Comme un gosse, j’espère qu’ils se sont retrouvés tous les deux sur le chemin de la pâture toujours verte avec un ruisseau et quelques arbres pour abri que j’appelle la Lisière des bouleaux vers laquelle j’ai déjà envoyé beaucoup de mes chats, chiens, volailles et mon vieux cheval, Cheyenne en 2019.
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Peeshoo en premier plan et Peelish en second
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Pee’lish désignait l’ourson mâle dans une langue du Grand Nord oubliée aujourd’hui, nom qui lui allait comme un gant, et Pee’sho le lynx. Ces deux noms, même si le second ne correspondait pas vraiment à celui qui le portait, m’ont permis d’avoir un nom unique pour les encourager lors des efforts de débardage soit Lespee.
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Ces deux animaux , très câlin pur l’un et très fantasque pour l’autre, m’ont marqué au delà de tout ce à quoi je m’attendais.
J’espère leur avoir fait une belle vie. Il me reste maintenant à faire en sorte qu’il en soit ainsi pour mes deux dernierx chevaux, deux bretons pie noire de dix neuf ans, deux derniers chiens, mon chat et mes quatre poules, avant de tous les rejoindre ce qui me tarde déjà tant la proximité que chacun d’eux m’a accordé depuis presque vingt années a été forte et sans faille.
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Frédéric Iehlé
Un commentaire
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14 mars 2025
Permalien
delia a dit:
Purée ! j’ai pleuré. Mieux écrit que n’importe quelle ode ou aubade, mieux qu’un hommage, parce que le dernier. Je n’ai pas de mot pour traduire mon émotion, moi qui aime tant les animaux. Surtout ceux qui comme eux nous tiennent compagnie, pendant toute une vie. Soixante treize, c’est mon âge aussi, ce n’est pas encore l’âge de dire adieu, peut être si le courage vous est donné, reprendrez vous quelque compagnon, ou compagne, pour tenir compagnie aux deux derniers. Je ne dis pas des jeunes, de ceux qu’on n’a peut être pas le temps de voir vieillir mais déjà d’un âge un peu plus avancé qui passeraient une merveilleuse retraite auprés de vous. Bien sûr, il ne faut pas craindre de souffrir. Mais comment ne pas aimer sans cette souffrance que procure le vide et l’absence ? Et n’est ce pas là ce à quoi chacun est confronté ? Vos mots pour décrire chaque geste, chaque objet, chaque instant passé auprés d’eux et chaque instant nouveau qu’ il va falloir appréhender en sont le témoignage. Je partage votre douleur, moi qui ai aussi perdu beaucoup de mes compagnons chats, chiens, vaches, cochons, couvées, mais je ne peux la soulager. Merci de ce texte magnifique. .